Bousnina Rafik

Bousnina Rafik

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Qu'est-ce donc cette peinture qui reflète autant de couleurs que d'émotions inexplorées ? Il semble nous assez évident qu'à travers les tableaux du peintre Rafik Bousnina, une certaine subversion picturale traverse toute son œuvre et se manifeste à travers les formes humaines défigurées mais également dans le choix des couleurs qui traduisaient l'angoisse de l'expression recherchée. et du message véhicule.

Bousnina a traversé un chemin cahoteux, assez difficile d'accès et s'est frayé son propre sentier refusant de la sorte tout aspect classique trop utilisé par les plasticiens de notre époque moderne. Il a ainsi créé, tel un poète démiurge, un monde nouveau sous-jacent certes, mais bien présent dans notre quotidien. Et dans cet univers pictural où le désordre génère une réalité assez lugubre, notre artiste joue avec ses palettes et ses couleurs de manières à métamorphoser l'objet-abject et procéder à une espèce d'alchimie picturale à l'image de Baudelaire qui part du rate morbide et inhérente vers un idéal étonnant.

Ainsi, pour trouver un sens, apprivoiser le contenu et sentir la beauté de cette peinture, l'observateur devrait plonger dans ces tableaux, goûter l'amertume des pâtes colorées et humer les senteurs d'une liberté angoissante qui nous accable par son souffle rénovateur . Et en parlant du spectateur, il est impératif de signaler que le peintre considère à la fois l'objet observé, en l'occurrence sa toile, et l'observateur. Cette considération se manifeste par le fait que notre peintre ne travaille pas sur le motif en soi, il crée de mémoire en appliquant un choix, une conversion émotionnelle et une idéalisation des choses qui poussent le spectateur à admirer « l'horreur » représentée. Ce bas-monde ne reflète que guerres, pandémie et mort, l'artiste en fait son objet de prédilection et l'exprime avec des couleurs tantôt sombres et froides, tantôt claires et chaudes pour nous offrir des œuvres exprimant ce mal-être. Ainsi, le spectateur retrouve dans ces toiles, telle que celle intitulée « Postmortem » ou encore « autoportrait en ange » une oscillation et un vacillement infini entre une réalité infernale et un voyage fantasmagorique en couleurs.

Les différentes réactions des spectateurs nous les avons recueillies lors de la dernière exposition de Rafik Bousnina qui a eu lieu à la cimaise du Hall de la Maison de la culture de Kalâa Kébira du 25 au 30 juin 2021, Une bonne partie du public présent a exprimé une admiration pour le contenu exprimé à travers les tableaux. Cette admiration n'est pas destinée aux personnages représentés tel que dans : « South of Heaven », mais à la représentation du monde morbide voire lugubre. Pour certains, le génie consiste à concrétiser l'abstraction, choisi qu'ils ont trouvé dans cette exposition.

Bousnina dit ce qu'il ne voulait pas être, et il contribue ainsi certes à la disparition d'une esthétique doctrinaire héritée des précédents, car il croit que la peinture doit être avant tout objet de respect que de consommation. Elle doit être partiale, passionnée, politique, c'est-à-dire faite à un point de vue exclusif, mais au point de vue qui ouvre le plus d'horizons… Elle touche à chaque instant à la métaphysique.

"Un cri sans voix" ou encore "Alice in hell" sont deux tableaux, comme bien d'autres d'ailleurs du peintre même, qui au-delà de leur contenu, traduisent une révolte qui se manifeste par le choix de ces titres oxymoriques . En effet, Rafik Bousnina choque volontier, dans le double mouvement d'une angoisse et d'une joie. Il ébranle le regard par le silence éloquent de son "Cri sans voix". Cela va sans dire que ce peintre puise toute l'énergie et la matière qu'il a accumulées, tout au long de son parcours, de la peinture médiévale traversant les siècles de la renaissance à la période classique. En outre, la connaissance et les pratiques pittoresques et poétiques ont été mises en œuvre par le peintre frustré par la médiocrité et la platitude du quotidien et nous rendons notre image réelle à travers une modification véritablement onirique.

C'est ainsi par cette peinture et à travers sa technique, en vérité « magique », que Bousnina a pu traduire le verbe par des images plastiques. Il l'a produit avec la perfection d'un peintre comme avec la détermination d'un auteur subtil et délicat, avec l'éloquence d'un musicien passionné. Mesurant la grandeur du peintre, notre artiste, fidèle à ses propositions, ne pouvait la séparer de la grandeur de l'homme qui est toujours présent dans ses œuvres. Cette omniprésence montre une obsession de l'importance majeure qu'accorde le peintre au rôle joué par ses créatures défigurées.

Ceci dit, tout spectateur peut voir à travers les tableaux de Bousnina grâce à la vicissitude des figures représentées et seul un esprit étroit et simple trouverait du contradictoire et de l'imprévu. Tel fut notre sentiment de dépaysement après avoir voyagé à travers les différents tableaux et après avoir vu et suivi le peintre en œuvre dans son atelier.


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